La pandémie, qui a bouleversé nos repères et changé profondément notre quotidien, a aussi bousculé le monde de la finance. Entre l’investissement recentré sur le local, d’inédites façons d’entreprendre et le développement des cryptomonnaies, une nouvelle finance est-elle en train d’émerger ? Un investisseur, un expert des nouvelles monnaies et le délégué général d’AGIPI partagent leur point de vue.
Épargner en soutenant l’économie locale
Bruno Guillier de Chalvron, délégué général d’AGIPI, nous présente l'investissement dans l’économie locale. « C’est une façon de donner du sens à son épargne ; cela répond à une volonté d’investir dans des PME et des ETI locales, qui contribuent au développement des territoires », commente-t-il. Les plans de relance de l’État français favorisent ce phénomène et, « aujourd’hui, les investisseurs et les assureurs proposent aux épargnants des placements pour aller dans ce sens », poursuit-il. AGIPI propose d’ailleurs des unités de compte spécialisées qui permettent par exemple de soutenir des entreprises, dont le siège social ou l’unité de production est implanté en France. Parmi elles, Agipi Régions Solidaire a obtenu le label « Relance ».
S’il rappelle que tout investissement comporte un risque de perte en capital, Bruno affirme que « ce sont des placements dynamiques de par la croissance des entreprises et de leur marché ».
Investir dans les start-up
Fondateur et président d’INCO – un groupe qui investit et soutient les entreprises innovantes – et auteur du livre « Le bonheur est dans le village », Nicolas Hazard évoque la nécessaire adaptation en ces temps de Covid et croit à un nouvel entrepreneuriat français.
« La pandémie a eu un impact très important sur l’entrepreneuriat, relatif selon les secteurs d’activité », commente Nicolas qui se réjouit toutefois que beaucoup d’entrepreneurs aient su rebondir, pivoter et se développer. « Ça a été finalement un accélérateur vers des modèles différents, des métiers et des industries du futur, comme le développement durable, le numérique ou la santé ». Il voit aussi ces secteurs, porteurs d’innovations, comme ayant un important potentiel de croissance.
Nicolas pense que la pandémie a accéléré l’émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs, qui prônent des modèles différents. Répondant aux attentes modernes de production et de consommation, « le secteur des circuits courts, avec des start-up comme Kelbongoo ou Alancienne, a développé des modèles alternatifs, qui se sont généralisés et popularisés. Aujourd’hui, ce marché de niche devient un phénomène de masse ».
L’une des preuves, selon lui, qu’il existe une vraie culture et un savoir-faire dans l’entrepreneuriat français. « On le voit depuis une dizaine d’années, et ça ne fait que grandir et s’accélérer », se réjouit Nicolas, convaincu que « la France a une vraie place à jouer sur la scène de l’entrepreneuriat, dans le monde et l’économie de demain » .
La finance déteste l’incertitude et Nicolas remarque qu’en ces temps incertains, il « est toujours plus compliqué de trouver des investisseurs et des financeurs » . Pourtant, l’argent est là : « celui des banques et des compagnies d’assurance, bien sûr, mais aussi celui des épargnants et des individus qui ont envie de changer les choses, de transformer les modèles ». Il cite l’exemple du crowdfunding (financement participatif) et du crowdequity (financement participatif en actions) qui permettent à des citoyens d’investir dans des start-up et de les faire grandir. « Ces modes de financement se développent de plus en plus et s’accélèrent avec la pandémie, pour aujourd’hui prendre le devant. » Une bonne nouvelle pour l’économie citoyenne !
Miser sur les nouvelles monnaies
Stanislas Barthelemi, consultant chez Blockchain partner by KPMG, apporte son éclairage sur les cryptomonnaies, de nouvelles façons d’échanger de l’argent, qui peuvent certes être performantes, mais qui appellent quelques précautions.
« Avec Internet, on peut tout copier à l’infini ; ce raisonnement ne fonctionne évidemment pas pour la valeur, et c’est là que le Bitcoin change la donne » commente Stanislas. Il a fallu créer une sorte « d’Internet de la valeur » pour que, sans l’intervention d’un tiers centralisateur (banque, prestataire technique ou FinTech), deux personnes puissent échanger de l’argent, où qu’elles soient dans le monde, à moindre frais et de façon sécurisée.
Pour transformer ses euros en cryptomonnaie, « il faut passer par une plateforme, agréée si possible, pour éviter les arnaques, qui sont légion dans ce domaine », prévient Stanislas.
L’AMF (Autorité des marchés financiers) accorde le statut PSAN (Prestataire de services sur actifs numériques) à des entreprises françaises ou étrangères certifiées. Une fois le compte créé sur la plateforme, « vous envoyez un flux bancaire, des euros, et vous les échangez contre de la cryptomonnaie, Bitcoin et autres, de la même manière que vous achetez sur une bourse traditionnelle », explique notre expert, qui précise les deux manières de sécuriser ces crypto-actifs : « La première, c’est de les laisser sur la plateforme si vous ne vous sentez pas de les détenir vous-même. Il y a des process de sécurité et c’est plutôt une bonne solution » . La seconde consiste à les avoir « sur une application mobile, un portefeuille numérique, ou dans une clé USB produite, par exemple par Ledger, une société française » .
Ensuite, il est possible, via son téléphone, d’envoyer de l’argent à quelqu’un ou de régler un commerçant qui accepte ce paiement. « Il vous présente son téléphone avec un QR Code, vous le flashez, décidez du montant et envoyez le flux, de la même manière qu’un billet de banque quitte votre poche pour aller dans sa caisse », précise Stanislas.
Pour conclure, Stanislas incite à avancer prudemment sur ce marché qui n’est « ni réservé aux initiés, ni ouvert à tous ; ça reste de l’investissement, c’est dangereux, surtout sur un secteur aussi volatil qui crée du rendement. Faites attention de ne pas y miser trop d’argent. » Un investisseur averti en vaut deux.