41 % des dirigeants d’entreprises n'ont ni plan de transmission pour leur entreprise, ni préparation à la cession. Un chiffre alarmant alors que la moitié d’entre elles pourraient disparaître faute de repreneur dans les dix prochaines années. Face à ce constat, l'anticipation devient cruciale pour éviter l'effondrement d'un pan entier de notre économie.

Selon Michel Picon, président de l'U2P, la transmission d'activité représente un défi à multiples facettes, mêlant considérations financières, humaines et organisationnelles. Cette opération stratégique, chargée d'émotion pour de nombreux entrepreneurs, exige une préparation minutieuse que l'U2P accompagne activement pour assurer la continuité des entreprises tout en respectant le projet personnel du cédant.

Une vague de cessions sans précédent

L'enjeu est colossal : près de 700 000 entreprises chercheront un repreneur d'ici 2035. Cette situation s'explique notamment par le vieillissement des dirigeants - 25 % des chefs d'entreprise ont plus de 60 ans et 11 % dépassent les 66 ans. Les chiffres actuels sont loin d’être rassurants. Seules 27 % des 1 850 000 entreprises potentiellement transmissibles le sont. Les opérations de cession ont connu une baisse significative : elles ont diminué de 19 % entre 2010 et 2019, puis ont encore baissé de 16 % entre 2019 et 2020. Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Entreprises, a souligné l’ampleur du phénomène lors du Salon Go Entrepreneurs le 3 avril 2024 : 400 000 entreprises devront être reprises dans les dix prochaines années. Parmi elles, 25 % sont dirigées par des chefs d’entreprise âgés de plus de 60 ans. 

Un processus qui nécessite du temps et de la préparation 

La transmission d'une entreprise n'est pas une opération qui s'improvise : il faut prévoir entre 5 et 7 ans avant la cession effective pour mener à bien ce processus. Cette période permet de réaliser les étapes indispensables : diagnostic de l'entreprise, évaluation, recherche d'un repreneur et préparation des aspects juridiques et fiscaux. L'UNAPL, organisation syndicale membre de l'U2P, identifie le manque d'anticipation comme l'obstacle majeur aux transmissions, notamment dans le secteur des professions libérales. Ils encouragent les entrepreneurs à engager cette démarche dès lors que l’activité est à son pic de valeur, par exemple en associant, en amont, de futurs repreneurs à leurs activités. 

Un contexte économique qui complique l'équation 

Le financement de la reprise d’une entreprise constitue aujourd'hui un obstacle majeur. Dans un environnement économique incertain, où 46 % des patrons de TPE déclarent rencontrer des difficultés financières, les conditions d'accès au crédit se sont durcies, limitant les options pour les repreneurs potentiels. Cette situation rend les entreprises moins attractives pour les repreneurs et complique le financement des opérations de transmission. Face à ces défis, l'anticipation est une nécessité absolue pour de nombreux entrepreneurs, indépendants et professions libérales, qui souhaitent assurer la pérennité de leur entreprise et valoriser le fruit de leur travail. La question du financement demeure cruciale pour faciliter les reprises, comme le souligne la Confédération Générale de l'Alimentation en Détail (CGAD). Cette organisation représentant l'artisanat alimentaire, le commerce de proximité et l'hôtellerie-restauration milite pour la création d'une épargne spécifiquement dédiée à la reprise d'entreprise, en s'appuyant sur des produits financiers existants ou en développant des mécanismes inspirés du Plan épargne logement.

Des alternatives à la vente “classique” encore méconnues

Face aux difficultés de la transmission, plusieurs solutions alternatives existent mais restent sous-exploitées : 

  • La location-gérance avec promesse de vente. Elle offre au repreneur la possibilité de tester l'activité avant de s'engager définitivement (BPi France, Création, 2023). 
  • La reprise progressive. Cette option permet une transition en douceur, avec un transfert échelonné des responsabilités et du capital.
  • L’apport partiel d’actif. Ce mécanisme permet de transférer une branche complète d'activité à une autre société, avec la possibilité de bénéficier d'un régime fiscal de faveur sous certaines conditions. 
  • La fusion-absorption consiste à faire absorber son entreprise par une autre société, permettant ainsi de valoriser l'activité tout en assurant sa pérennité dans une structure plus importante. 
  • Le démembrement de propriété : cette solution permet au dirigeant de conserver l'usufruit (droit d'utiliser et de percevoir les revenus) tout en transmettant la nue-propriété, généralement à ses enfants (65 % des dirigeants de PME et ETI familiales souhaitent transmettre leur entreprise à un membre de leur famille, selon BPI France). L'avantage fiscal est significatif avec une décote pouvant atteindre 50 % pour un usufruitier de 52 ans. 
  • La création d'une SCI : elle facilite la transmission du patrimoine immobilier professionnel en permettant des cessions graduelles de parts sociales, plus simples et moins coûteuses que la transmission directe d'un bien immobilier. 

Un contexte législatif changeant

Le premier dispositif structurant, issu de la loi de finances 2022 (art.23), permettait l'amortissement fiscal des fonds commerciaux - dont la clientèle - pour les acquisitions réalisées entre 2022 et 2025. Ce mécanisme permettait aux repreneurs de solvabiliser leurs investissements via des économies d'impôt sur 10 ans. Après une mobilisation syndicale importante, son prolongement jusqu’en 2031 a été intégré dans la loi de finances 2025 par l'abattement de 500 000 € sur les plus-values de cession pour les dirigeants de PME partant à la retraite. Nous passons donc d’un dispositif 2022-2025 à l’avantage des acquéreurs, à un dispositif 2025-2032 au bénéfice des cédants qui transformeront l’abattement en outil de gestion patrimoniale à long terme. 

L’enjeu de la transmission pour les TNS, c’est qu’ils cèdent une activité, parfois individuelle, qui ne ressemble pas aux standards d’entreprise. Leur patrimoine est indissociable de leur identité professionnelle, il représente l'œuvre d'une vie. Le travailleur indépendant transmet une clientèle, une réputation et un savoir-faire avant tout. Le défi est immense, mais l'écosystème entrepreneurial français se mobilise. Dispositifs fiscaux adaptés, accompagnement personnalisé, plateformes de mise en relation – les outils existent. L'avenir des entrepreneurs, c’est de se saisir de cette question suffisamment tôt pour transformer cette contrainte en une opportunité stratégique. La transmission n'est pas une fin, mais le début d'un nouveau chapitre – pour le cédant comme pour l'économie de proximité qui fait battre le cœur de nos territoires.

L'Union des entreprises de proximité (U2P)
C'est l’une des principales organisations patronales françaises, représentant 3,4 millions d’entreprises issues des secteurs de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales. Présidée par Michel Picon, l’U2P rassemble 222 000 entreprises adhérentes et est composée de cinq grandes confédérations nationales : la CAPEB, la CGAD, la CNAMS, l’UNAPL, et la CNATP en tant que membre associé. Forte d’un réseau de 115 représentations territoriales, elle défend les intérêts des petites entreprises auprès des pouvoirs publics, en valorisant leur rôle essentiel dans la création d’emplois non délocalisables et le dynamisme des territoires. 

Sept pratiques pour réussir votre transmission d’activité : 

1. Anticipez au minimum 5 ans avant la cession effective. Cette période est nécessaire pour optimiser la valeur de votre entreprise, préparer les aspects juridiques et fiscaux, et identifier le bon repreneur. Commencez par établir un bilan personnel pour clarifier vos motivations de cession et définir votre projet post-transmission.

2. Faites réaliser un diagnostic complet de votre activité par un expert. Ce diagnostic permettra d'identifier les forces et les faiblesses de votre structure et d'engager les actions correctives nécessaires pour la rendre plus attractive.

3. Choisissez le mode de transmission le plus adapté à votre situation. Au-delà de la vente classique, explorez les alternatives. Chaque option présente des avantages fiscaux et patrimoniaux spécifiques.

4. Entourez-vous et faites-vous accompagner par des professionnels spécialisés dans la transmission. Une enquête menée par le Conseil National des Barreaux a montré que seulement 15 % des indépendants bénéficient d'un accompagnement juridique et fiscal spécifique lors de la transmission de leur activité. De nombreux dispositifs existent pour vous aider : les chambres consulaires (CCI, CMA) proposent des services dédiés et gratuits, Bpifrance offre un accompagnement via sa "Bourse de la Transmission", et les organisations professionnelles disposent de cellules spécifiques.

5. Préparez un dossier de présentation attractif de votre entreprise, incluant l'historique, les données financières, la clientèle, les perspectives de développement et les éléments différenciants. Ce document sera essentiel pour convaincre les repreneurs potentiels.

6. Prévoyez une période d'accompagnement du repreneur après la cession. Un contrat d'accompagnement formalisé permettra de transmettre les savoir-faire, présenter les clients et fournisseurs clés, et faciliter la transition. Cette étape est cruciale pour la pérennité de l'activité.

7. Anticipez la gestion du patrimoine issu de la cession et préparez votre projet de vie post-cession. Cette réflexion vous aidera à mieux vivre cette transition personnelle et professionnelle majeure.

Qu’avez-vous pensé de cet article ?

Note moyenne : 0 / 5. Nombre de votes : 0

Aucun vote, soyez le premier !

Nous sommes désolé que vous n'ayez pas trouvé cet article utile

Let us improve this post!

Dite nous comment nous pourrions l’améliorer

Prolongez votre lecture
LE FIl
Vie de l'association
Date de publication
22.04.2025
Durée de lecture
1 min.

Olivier Bontemps, fondateur de SmaLL

Olivier Bontemps, un ingénieur visionnaire, a fondé SmaLL, qui propose une réponse astucieuse à deux défis majeurs : la pénurie...
Lire la suite
Economie
LE FIl
Date de publication
22.04.2025
Durée de lecture
2 min.

L’égalité entre les femmes et les hommes à la retraite

En France, c’est le moment de la retraite qui cristallise le plus les inégalités entre hommes et femmes. L’écart des...
Lire la suite
Economie
LE FIl
Date de publication
22.04.2025
Durée de lecture
4 min.

Qu’est-ce qu’une unité de compte indicielle ?

L’évolution des marchés financiers a donné naissance à une solution d’épargne novatrice : l’unité de compte indicielle. Ce support d’investissement,...
Lire la suite
Voir toutes les actualités