Si, depuis le milieu du XXe siècle, les évolutions concernant l'emploi des femmes ont été sensibles en matière de mixité, la progression et la reconnaissance de leur place dans la société et dans l'entreprise restent encore aujourd'hui une chance et une voie d'avenir tant pour notre économie que pour notre société. Le leadership, nouvelle frontière de l'emploi des femmes en France ?En 2022, 70,7 % des Françaises de 15 à 64 ans étaient actives1. Dans la zone OCDE, le taux d'activité des femmes a quant à lui atteint son plus haut niveau historique avec 66 %2 cette même année. En 2022 toujours, elles représentaient en France un peu plus d'un tiers des créateurs d'entreprise3, un chiffre en hausse de 1,2 point sur un an et de 6,2 points depuis 2018. Selon le Global Entrepreneurship Monitor4, il s'agit d'une évolution multifactorielle qui s'expliquerait par un sentiment de compétences grandissant, la perception d'une plus grande facilité à démarrer une entreprise ainsi que d'un plus grand nombre d'opportunités qui leur sont offertes. Ces constats ne relèvent pas que d'une impression. Cette tendance peut également s'expliquer par une évolution de l'entrepreneuriat féminin dans la société. Si ces chiffres sont encourageants, ils témoignent cependant de fortes disparités femmes-hommes. Une inégalité sensible dans l'entrepreneuriat - où les hommes représentent encore près des deux tiers des créateurs d'entreprise - mais aussi dans le salariat, en particulier pour les postes de direction. La mixité serait-elle capable de stimuler les performances ? Marie Eloy, présidente de Bouge ta Boite5, le confirme. « Aujourd'hui, dans tous les postes de pouvoir et de décision, on ne dépasse jamais 10 ou 20 % de femmes. Or un groupe, quel qu'il soit, a peu d'impact en-dessous de 30 % ; c'est l'ONU qui l'affirme. Nous savons pourtant, depuis quelques années, que la mixité est signe de performances ! ». Féminiser, un facteur de performance pour les entreprisesLe témoignage de Marie Eloy est corroboré par de nombreuses études depuis le début des années 2010. Le cabinet de conseil McKinsey montrait par exemple en 2017 que sur un échantillon de 300 entreprises, celles qui comptaient le plus de femmes dans leur conseil d'administration affichaient des résultats d'exploitation 55 % supérieurs en moyenne à ceux des autres entreprises6. Mieux encore : une étude menée dès 2008 sur un échantillon de 17 000 entreprises britanniques par la Leeds University Business School « démontre qu'un conseil d'administration composé d'au moins une femme réduit le risque de faillite de 20 % et que cette tendance est encore augmentée avec deux ou trois femmes administratrices, et ce quels que soit la taille, le secteur, l'actionnariat ou l'ancienneté de la société »7. Plus largement, le FMI8 estime qu'une présence croissante des femmes dans l'activité économique permettrait d'accroître en moyenne le PIB9 d'un pays de 35 %. Les entrepreneures, championnes de la RSE72 % des dirigeantes intègrent les critères de performance extra-financière RSE (développement du capital humain et protection de l'environnement), contre 53 % des hommes10. La preuve sur le terrain selon Marie Eloy : « Avec Bouge ta Boite, nous organisons plus de 5 000 réunions par an partout en France avec des entrepreneurs, à 99 % des TPE/PME. Je me rends compte que les femmes sont actrices de la transition (écologique), parfois même sans le savoir, sans le formaliser. Je me rappelle cette fleuriste à qui la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ne parlait pas. Pourtant elle avait quitté une chaîne de fleuristes pour créer sa propre entreprise de fleurs locales et de saison ! En reconversion, les femmes créent très souvent leur boîte pour être alignées avec leurs valeurs ». Les projets entrepreneuriaux développés par des femmes ont ainsi tendance à plus souvent intégrer des considérations RSE et, plus largement, à conjuguer performance économique et impact positif. Un phénomène parfaitement illustré par la désormais très connue start-up Too Good To Go, créée en 2015. Au moyen d'une application facilitant pour les commerçants la vente directe des invendus du jour à prix réduit, l'entreprise a tout simplement trouvé un modèle économique pour lutter contre le gaspillage alimentaire à l'échelon local. Comme en témoignait sa présidente et co-fondatrice Lucie Bash lors de la 8e édition de Bpifrance Inno Génération : «Notre chiffre d'affaires est directement corrélé à la lutte contre le gaspillage alimentaire [...]. Est-ce possible de combiner l'impact écologique et social aux contraintes financières ? Je crois que c'est une nécessité. [...] Aujourd'hui, l'apport sociétal participe autant au retour sur investissement que le résultat financier». Cette mise en avant de l'engagement sociétal par les dirigeantes s'observe chez 60 % d'entre elles11, mais aussi dans l'investissement. Une étude réalisée par Kantar SoFia en 2022 confirme que les femmes ont une appétence beaucoup plus marquée pour les placements à visée sociale et environnementale que les hommes. La parité, un enjeu toujours d'avenirSur tous les aspects, le constat est sans appel : si, au cours des dernières décennies, nous avons collectivement avancé vers plus de parité, nous avons tout à gagner à continuer. Tant pour notre économie... que pour l'environnement. Un défi du quotidien et d'avenir qui nécessite un retour critique sur nos pratiques professionnelles. Comme le dit très clairement la députée de l'Essonne Marie-Pierre Rixain, auteure de la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes, en préambule du Livre Blanc - Investissement et actionnariat féminins - Leviers d'un monde plus durable de Femmes Business Angels (2022) 12: « Dessiner le visage de la France de 2030, c'est concevoir une participation égale des femmes et des hommes au leadership économique. C'est permettre aux femmes de prendre part au développement des innovations de rupture ; leur garantir l'accès aux investissements publics et privés ; leur rappeler, alors que 85 % des emplois de 2030 n'existent pas encore, que les métiers de la tech sont aussi faits pour elles ; et leur assurer des opportunités professionnelles mieux rémunérées, quel que soit leur parcours. [...] Notre économie se prive follement d'un réservoir de talents ».
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Sources :
1 Insee, « Emploi, chômage, revenus du travail », édition 2023 2 OCDE, « Situation du marché du travail », avril 2023 3 Baromètre Infogreffe, « Les Femmes et l'Entrepreneuriat en France en 2022 » 4 Global Entrepreneurship Moniteur, « Situation de l'activité entrepreneuriale», rapport national 2022 5 Bouge ta boite est un réseau féminin. Il fédère plus de 1 800 femmes et plus de 115 cercles locaux partout en France, couvrant ainsi plus de 80 secteurs d'activité professionnels différents. 6 McKinsey & Company, « Women Matter,Time to accelerate, ten years of insights into gender diversity », 2017 7 Institut Montaigne, « Agir pour la partité, performance à la clé » 2019 8 International Monetary Fund, « Economic Gains From Gender Inclusion : new mechanisms, new evidence » 2018 9 Le produit intérieur brut (PIB) est la mesure standard de la valeur ajoutée créée grâce à la production de biens et de services dans un pays pendant une période donnée. 10 Bpifrance Le Lab, « Dirigeantes et dirigeants de PME-ETI quelles différences ? » 11« RSE : ces femmes qui accélèrent le mouvement », Les Echos 12Livre Blanc - Investissement et actionnariat féminins - Leviers d'un monde plus durable, Femmes Business Angels, 2022 13 Extrait du livre Femmes et start-up - Les clés du succès, éditions Dunod, écrit par Martine Esquirou et Guillaume du Poy, 2023
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